Mon psy vient chez moi ou dans mon institution…

 

N’ayant rien de particulier à ajouter à ce que j’ai écrit plus haut dans l’annonce générale de ce troisième point, je m’applique ici à ne développer que la clinique du sujet très âgé à son domicile.

Aussi bien mon titre devient :

Je suis vieux et fatigué. Je ne peux plus sortir !

Mon psy vient chez moi…

Le psychologue supplée à une impossibilité et soulage la souffrance de la dépendance. Comment ? Pourquoi ?

Rencontre avec une psychologue de proximité.

Dans ma clinique auprès des sujets âgés ma visée essentielle est dans le déplacement de la notion de « projet de vie », cher à tout clinicien, à celle de « continuation de sa vie » ; il s’agit sans plus attendre une seconde, de l’aider à « vivre sa vie » ici et maintenant.

Écoute chaleureuse et stimulante.

Loin d’être flottante mon écoute en psychogérontologie est au contraire, hyper attentive (presque intuitive, parfois même supplétive) à toute parole quelle que soit la façon dont elle est formulée : phrase explicite, signifiant isolé, borborygme, signe, caresse, sourire, regard…

Soutien.

Soutenir, c’est maintenir mais c’est aussi fortifier, remonter, apporter secours et réconfort. J’offre mon soutien chaleureux et vigilent aux personnes âgées dépressives ou non, affligées ou non d’un vieillissement pathologique (maladie d’Alzheimer ou autres démences apparentées).

Renarcissisation.

La personne âgée démentalisée est le plus souvent (au moins dans les débuts de la maladie et dans des moments en quelque sorte de « rémission » plus ou moins fugitifs lorsque la démence est plus avancée) consciente qu’elle « perd la tête ». Elle souffre énormément de cette dévalorisation que sa concrète et réelle dépendance à l’autre accentue encore.

Face à cela, j’observe que la reconnaissance du plaisir d’être avec quelqu’un et de lui transmettre quelque chose, l’assurance de compter pour lui sont des repères affectifs, des émotions agréables essentielles à la renarcissisation du sujet ; ils illuminent toute la psyché permettant un authentique réveil du désir…

Mise en valeur empathique des potentialités restantes de la personne âgée.

Pour stimuler les capacités restantes de la personne âgée et les préserver le plus longtemps possible, je suis amenée à utiliser des tiers. Mais, malgré les apparences, je ne propose en rien des séances dites occupationnelles comme seuls les animateurs savent les diriger. Ma visée n’est pas du tout la même. Elle est thérapeutique et suppose une connaissance très fine du sujet et de son histoire de vie peu à peu acquise à l’écoute des propos de la personne âgée comme à l’audition du discours de ses proches ‑qui me permettent souvent de percevoir un minimum de chronologie.

Grâce à l’utilisation de supports sociabilisés, domestiques (puisqu’on est à la maison) ou artistiques, choisis avec la personne âgée selon ses dons, ses goûts, ses affinités, ses centres d’intérêts et adaptables à tous moments à ses capacités cognitivo-physiologiques comme aux aléas de ses désirs : musique, lecture, dessin, écriture, mots croisés, tricot, ordinateur, promenade, partage d’un café ou d’un thé, promenade… je suis amenée à m’investir et à mettre du mien pour distraire (au sens pascalien, donc vaste et profond, du terme) l’esprit de la personne âgée du poids de ses souffrances en l’obligeant inconsciemment à s’identifier à mon désir de clinicienne lequel se résume à vouloir faire pencher la balance du côté de l’amour de la vie ‑ ou dans un langage plus technique de la pulsion de vie.

Stimulation des personnes âgées affectées de troubles mnésiques.

Images, photos, objets personnels chargés d’histoires émotionnelles, parfums, poésies, fables, chansons, comptines… N’importe quoi peut servir de tiers dynamisant, de muse exaltante, à condition d’avoir été investi autrefois, dans la toute petite enfance par le sujet et cela d’autant mieux que la mémoire ancienne est la plus tenace et survit d’étonnante façon même en cas de gros troubles mnésiques.

Pour un adulte en bonne santé psychique, assuré de ses capacités cognitives ‑ donc certain de pouvoir ou retrouver son « temps perdu » aux détours de la surprise de sensations fugitives ou, au contraire, de parvenir à « oublier » dans l’espoir que l’effacement lève les interdits, que son Surmoi rigoureux lui inflige, et déjoue sa culpabilité ‑ selon l’homme de lettre : « caresser est plus merveilleux que se souvenir »[1]. Il en est tout autrement de celui que la maladie d’Alzheimer affecte. Toucher les objets familiers, caresser la main qui se tend pour les lui donner, touchent tellement l’âme et le cœur de la personne âgée démentalisée, ébranlent si vivement son cerveau malade, que son émotion lui ramène, via des associations sinon inconscientes du moins mystérieuses ‑ dont le principe se retrouve ou se recrée pour un temps aussi bref que magique ‑, des flots de souvenirs inespérés. Aussi bien, caresser et se souvenir sont corrélatifs. En somme, pour reprendre l’affirmation d’André Pieyre de Mandiargues, et l’appliquer à la clinique gérontologique, « caresser c’est merveilleux parce que c’est se souvenir ». En effet, ces remembrances [2] ne sont pas des traumas défensivement refoulés faisant retour, mais des souvenirs perdus en raison d’une défaillance somatique, du réel de la carence cérébrale que seul l’affect fortement mobilisé permet de déjouer. À ce titre, revivifiantes, elles ont le goût du bonheur. Et de surcroît, ce présent illuminé par la retrouvaille heureuse du passé donne l’espoir, lorsque grâce à mon soutien motivé (et par identification transférentielle motivant) il parvient à se répéter et se répéter encore, de redonner à la temporalité sa structurante valeur linéaire passé-présent-futur oh combien sécurisante…

Préparation progressive et douce de la personne âgée à l’idée de la possible nécessité de son entrée en institution médicalisée (EHPAD).

Certes je peux aider les sujet âgés à jouir de sensations d’apaisement et les stimuler en sorte de parvenir à ce que se prolongent des moments de rémissions (parfois aussi énigmatiques qu’ils soient) et à retarder peut-être ainsi ce qui, dans l’état actuel de nos connaissances scientifiques des démences, reste inéluctablement involutif.

Le principe de réalité exige cependant que j’entreprenne aussi de préparer la personne âgée à l’idée d’être un jour amenée à quitter son chez elle pour se déplacer en un lieu qui deviendra un nouveau chez elle à condition qu’elle accepte psychiquement de s’y adapter et d’y concevoir authentiquement, dans la mesure de ses possibilités cognitivo-affectives, que sa vie puisse s’y poursuivre reconnaissant (à son su ou son insu) alors que sa prise en charge somato-psychique sera meilleure qu’à son domicile au sens où elle pourra être constamment adaptée à l’évolution souvent chaotique de ses symptômes.

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[1] André Pieyre de Mandiargues, La marge (1967), Paris, Gallimard, coll. « Folio », n° 1294, 1993, p. 85-86 (souligné par moi).
[2] Ibid., p. 108. André Pieyre de Mandiargues n’est pas le seul auteur à utiliser ce mot qui, en ancien français voulait dire d’abord « conscience » (vers 1080) puis « souvenir » (vers 1119) et qui « s’est maintenu comme archaïsme et dans les parlers régionaux comme en témoignent encore au XIXe siècle des emplois littéraires » (voir Alain Rey, l’ouverture « Remémorer », dans Dictionnaire historique de la langue française, Edition Le Robert, Paris, 1998 pour l’édition en petit format, tome 3, p. 3165). On le trouve chez Arthur Rimbaud: « Les Remembrances du vieillard idiot », dans « Album zutique » des « Œuvres diverses », dans Œuvres complètes, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1972, p. 215-217.

Du côté de la théorie lacanienne

Présentation d'une approche réflexive et critique de la théorie lacanienne

Du côté de la clinique gérontologique

De quelques réflexions sur le bien-fondé du transfert de concepts analytiques en psychogérontologie

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