Cabinet de psychologue à Paris 12

 

Je vais chez mon psy…

Qui entre dans mon cabinet ? Je reçois qui ?

« Il pleurait […] son cœur crevait,
il avait besoin de parler à quelqu’un »
Gustave Flaubert [1]

 

Je l’ai déjà annoncé brièvement, en introduction, mais le répète ici pour apporter quelques nuances supplémentaires, psychologue clinicienne je reçois TOUT LE MONDE (sauf LES ENFANTS)

Tout le monde ? Cela veut dire tous les adultes qui pensent qu’on est affecté par ce qu’on tait, que le silence enferme l’être du sujet, enkyste la douleur. En conséquence, cela veut dire tous ceux qui veulent rompre le silence et qui sont en quête d’une parole fondatrice, d’une parole salvatrice, d’une parole qui guérit.

Tout le monde ? Cela veut dire tous les adultes qui souffrent d’un trauma et, plus généralement, d’un malêtre, sans être pour autant malade, au sens médical du terme, et tous ceux qui ont l’espoir de trouver réponse à la question existentielle du sens de leur vie.

Aussi bien, je reçois en face à face des adultes jeunes, moins jeunes, séniors qui viennent librement me consulter soit sur les conseils d’un médecin ou d’un ami, soit de leur propre initiative.

Même si cette liberté est parfois infléchie, lorsqu’un suivi psychologique est recommandé par un médecin (en cas de symptôme qui n’implique pas que le somatique par exemple) ou un avocat (en cas de divorce difficile par exemple) ou imposée par une décision de justice, hors ces cas particuliers, qu’il s’agisse de thérapie personnelle ou de thérapie de couple (ou même j’y reviendrai plus tard, de groupe de paroles) ce sentiment de liberté est majeur pour la réussite de la démarche psychothérapeutique.

Venir me voir est l’acte véritable d’un sujet libre qui ne craint pas de s’avouer qu’il souffre pour de « bonnes raisons » c’est-à-dire des raisons à lui-même connues et socialement reconnues (deuil, rupture, addictions, abus sexuels, viol, maltraitance privée ou professionnelle… ) ou des raisons confuses sinon métaphysiques, du moins métapsychologiques, d’autant plus troublantes pour lui que le « méta » ‑ ou pour le dire autrement l’inconscient ‑ le laisse défensivement sourd ou le déstabilise ou même lui fait peur. Notre société matérialiste est volontariste. Son impératif redondant : « Ca va ! Parce qu’il faut que ça aille ! » pèse le poids d’un lourd fardeau sur le psychisme du sujet. Pour certains il a la puissance d’un trauma.

Je reçois donc d’une part, tous les sujets qui s’autorisent à passer ma porte pour se comprendre et s’accepter et font ainsi l’effort de reconnaître qu’ils ont besoin de l’aide d’un professionnel pour trouver l’harmonie en eux-mêmes et avec les autres.

Je reçois d’autre part les couples dont les deux personnes sont d’accord pour chercher à élucider les causes de la crise qu’elles traversent (quelle qu’en soit la raison) et pour tenter de la résoudre.

Qu’est-ce qu’une psychologue clinicienne d’inspiration analytique ?

Le psychologue clinicien est le PROFESSIONNEL DE LA RELATION HUMAINE qui offre à son patient une « talking cure (une cure par la parole) » [2].

Le psychologue clinicien est le professionnel auprès de qui chacun peut prendre le temps de parler. Et parler, dans un certain cadre, c’est possiblement se donner les moyens de guérir de la douleur consciente qu’un évènement affligeant ou une perte insupportable vient de provoquer. Parler c’est essayer de banaliser son malheur [3]. Parler c’est vouloir apprivoiser sa souffrance comme écrit le poète : « Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille » [4]. Parler c’est même tenter d’affronter sa douleur psychique inconsciente pour essayer de lui faire consciemment rendre grâce.

Un psychologue clinicien ‑ à savoir un soignant de la psyché ou de l’esprit ou de l’âme, selon le mot que chacun préfère ‑ est un professionnel à multiples facettes dont je vais évoquer la plupart :

  • Un écoutant capable de distinguer le « dit » du « dire », donc d’entendre dans la musique des signifiants le discours second sous le discours premier ; un écoutant à l’oreille non « absolue » à la façon du mélomane doué, mais qualifiable de « troisième » [5].
    La troisième oreille du psychologue doit lui permettre une écoute investie, adaptée à chacun de ses patients ; elle doit être d’autant plus fine que le sujet parle souvent pour palier aux manques de ses mots, à leur défaut, leur insuffisance, lorsque, comme des noms propres ils restent sur le bout de sa langue [6].
    Sous un mode magnifié ou appauvri, la troisième oreille du psychologue perçoit les métaphores et les métonymies révélatrices des désirs ou des traumas refoulés de son patient via ses achoppements : cris, soupirs, butées, bégaiements, hésitations, mensonges, dissonances, rougeurs, larmes, gestes, signes, regards…
    A l’occasion, porte-voix, le psychologue tente même de faire résonner les vibrations signifiantes du silence des taiseux ;
  • Une boite de résonnances qui ‑ contrairement au miroir renvoyant une image inversée ‑ offre à son patient comme une relance, l’écho de l’inattendu entendu que le sujet vient, à son corps défendant, de laisser s’échapper ;
  • Un stimulant qui, répétant un signifiant clef, qui vient de surgir, conduit son patient à jeter des ponts temporels affectifs plus investis qu’il ne le supposait ;
  • Un subtile lanceur d’alerte qui inspire à son patient des liens refoulés possiblement traumatiques, des rapprochements inusités, des répétitions troublantes, des métonymies lointaines, des métaphores bouleversantes, des créations de sens aussi imprévisibles que profondes qui confortent l’être du sujet ;
  • Un aidant empathique, qui ne juge ni n’influence. Parce qu’il propose une interprétation, le psychologue permet à son patient de mieux discerner où est son véritable désir comme ce qui le chagrine et l’affecte vraiment. Supporter son patient au sens de le soutenir permet à ce dernier d’éprouver le sentiment rassurant de n’être sous l’emprise d’aucun jugement, de n’être placardé par aucune étiquette, de n’être enfermé ni par une image ni par un mot voire pire un diagnostic… Et comment pourrait-il l’être ? La psychologie analytique est une paradoxale « science du désir » [7]. Quiconque s’en inspire est conscient de l’ambivalence au fondement même de l’humaine condition et ne peut donc s’autoriser à y loger une once de définitif ;
  • Moins peut-être une « bouée de sauvetage » ‑ pour reprendre une expression que m’applique un de mes patients, qui marée haute, marée basse alterne, balloté dans la détresse d’un océan d’ambivalence – qu’un accompagnant, un guide empli de son espoir tenace du triomphe de la pulsion de vie. Le psychologue porte la pulsion de vie comme un étendard auquel il souhaite ardemment que son patient s’identifie afin qu’il parvienne à déjouer les attaques de la pulsion de mort toujours en passe de menacer sourdement son esprit chagrin, de faire jaillir des sources empoisonnées de tourments et même de soulever d’effroyables tsunamis meurtriers ;
  • Un appui, un soutien véritable auprès duquel le sujet peut enfin s’ouvrir pour se décharger du poids du silence que son féroce Surmoi lui impose et ainsi mieux se comprendre ;
  • Un vaste contenant d’une bienveillante patience qui permet au sujet, lors d’une espèce de « narration dépuratoire » [8], de se délivrer de sa négativité, de ses réminiscences traumatiques, sans se culpabiliser ;
  • Un confident particulier puisque tout ce que son patient lui confie est lié par le secret professionnel qui ne souffre aucune exception. Ce secret est une des conditions majeures qui permet dans la relation, que je nomme « PP » (Patient / Psychologue), l’épanouissement d’une totale confiance.

DIRE à son psychologue n’a rien à voir avec passer un oral plus ou moins grand. DIRE auprès de lui n’est pas discourir juste ou faux – cela n’a pas de sens pour un soignant qui pense, à la suite de Lacan, que la Vérité du sujet de l’inconscient n’existe que de sa simple formulation.

DIRE à son psychologue n’est pas organiser logiquement ses propos. Au contraire c’est l’anarchie des associations libres qui permet à des créations de sens de surgir. Lacan conseillait aux psychanalystes de laisser leurs patients dire des « bêtises » ; lesquelles pouvant être de sublimes pépites de vérités inconscientes. Il insistait : « C’est avec ces bêtises que nous allons faire l’analyse, et que nous entrons dans le nouveau sujet qui est celui de l’inconscient » [9].

DIRE à son psychologue n’est pas identique à parler à son ami même pour se « défouler ». En effet, son proche forcément engagé par les paroles prononcées, quand bien même il le souhaite, ne peut s’oublier et, malgré lui, n’entend que ce qui, en lui, fait écho.

DIRE à son psychologue c’est parler à un professionnel préparé à ne pas s’impliquer comme sujet dans ce qu’il entend, à se garder de s’identifier à la souffrance de celui qui parle, à rester à la juste distance où il se préserve pour mieux contenir l’autre. Pleurer avec patient l’inquièterait bien d’avantage qu’il ne le consolerait.

De surcroît dans cette relation psychologique, il ne s’agit pas seulement pour le patient de DIRE mais de TOUT DIRE à quelqu’un capable de recevoir ce TOUT et de contenir ce N’IMPORTE QUOI, de percevoir des relations temporelles, signifiantes, d’entendre le discours second sous les propos premiers certes d’abord déversés pour vomir son mal, s’en libérer, le délabyrinther et ensuite parvenir, autant que faire se peut, à le maitriser.

Pour quitter le registre des idées générales et en venir à ma relation avec mes patients, les bénéfices du TOUT ME DIRE ‑ donc de se livrer et du même coup se délivrer auprès de moi qui ne risque pas d’en souffrir – sont immenses sur deux plans : la relation à l’autre et la relation à l’Autre.

Je m’explique.

1°) Au registre de la relation à l’autre :

TOUT ME DIRE ANARCHIQUEMENT c’est se vacciner de la culpabilité et se permettre par ailleurs un DIRE adapté à l’adresse du bon interlocuteur c’est-à-dire de la personne concernée.

S’autoriser à « TOUT ME DIRE » permet à mon patient de « choisir », ensuite ce qu’il veut transmettre à un « autre anodin » ‑ au sens de non particulièrement investi affectivement, un « autre tout venant » ‑, pour établir et garantir avec lui une relation sociale intersubjective harmonieuse.

Et plus important peut-être !

Si mesurer ses paroles c’est non seulement assumer de les dire mais endosser les conséquences qu’elles induisent pour l’autre, pour soi pour le « Nous » que le duo constitue, choisir de « TOUT ME DIRE » permet à mon patient de discerner auprès de ses proches, ce qu’il peut et doit communiquer ou, au contraire, taire sans pour autant leur mentir – sinon par omission ‑ pour les ménager et préserver un rapport affectif déférent, respectueux, aimant, et ainsi éviter, souffrances, conflits stériles ou rupture du dialogue.

Le « TOUT ME DIRE » est quasi un devoir lorsqu’il permet en se défoulant auprès d’un professionnel d’éviter l’erreur du « TOUT DIRE », souvent maladroit, parfois meurtrier, à l’aimé. Bien que pressentant que ce qui lui brule les lèvres est une « folie », son excès de sincérité pousse la Princesse de Clèves à avouer à son mari, au risque de lui infliger« une douleur mortelle » [10], son inclination aussi ravageuse que platonique pour le Duc de Nemours. C’est très cher payer le soulagement « égoïste » que la passion de la vertu procure lorsque, se retournant en son contraire, elle endosse la figure tragique du maléfice.

2°) Au registre de la relation à l’Autre en soi :

Le « Me DIRE » en se pliant à l’injonction du « TOUT ME DIRE » dans le bric-à-brac des ASSOCIATIONS LIBRES donne à mon patient l’opportunité de laisser s’échapper des paroles pleines (lapsus, mot d’esprit…) de son désir inconscient et ainsi de se donner la chance de découvrir l’Autre en lui-même.

Cet inconnu de sujet, pourtant en lui, est celui que Rimbaud évoque avec sa célèbre formule : « Je est un autre » [11] – à savoir en style plus prosaïque l’inconscient freudien. Lacan le nomme précisément l’Autre (avec un grand « A »). Anarchique, cet Autre inspire le sujet la plupart du temps maladroitement à son insu, mais lui donne aussi l’occasion de faire, grâce à ses rejetons, à ses retours, des trouvailles de vérités fulgurantes qui donnent sens à sa vie.

De ce point de vue, et de ce point de vue la seulement, la psychothérapie analytique bien menée – instaurant une relation tranférentielle entre l’Un qui lâche prise sans tricher et l’Autre qui reçoit et renvoie avec l’éthique de « ouïe du cœur » [12] ‑, ne peut être qu’une expérience de vie positive.

Le patient y fait la récolte du champ de l’esprit qu’il a lui-même ensemencé.

Dans son travail psychothérapeutique :

  • Le patient gagne à la mesure de qu’il apporte.
  • Le patient apprend consciemment ce qu’il savait déjà inconsciemment. Tout est dans ce changement de plan. Tout est dans ce passage au registre symbolique à soi-même accordé.

Pourquoi me consulter ?

Pour deux raisons essentielles aussi importantes l’une que l’autre :

  • Vouloir guérir de sa souffrance psychique quelle qu’en soit la cause plus ou moins connue. Changer. Bouleverser ses habitudes sclérosantes. Vaincre ses addictions. Trouver des réponses à une crise existentielle.
  • Apprendre à se découvrir et à mieux se connaître dans ses désirs et ses limites comme ses aspirations, sa créativité.

Approfondissons quelque peu ces deux orientations des séances psychothérapeutiques.

1 Le temps d’un travail psychologique à court et à moyen terme, dépasser une crise émotionnelle, changer pour tenter de guérir de sa souffrance psychique.

Pourquoi souffrir, si, à l’aide d’un professionnel, pris temporairement comme soutien référent, guide… on peut s’accorder à soi-même du répit, du soulagement voire atteindre peut-être son îlot de bonheur ?

Tout le monde n’éprouve pas avec délice le sentiment d’un surcroît d’être à tendance judéo-chrétienne ; tout le monde ne confond pas souffrance et jouissance masochiste, loin de là !

Alors pour moins souffrir il faut tout simplement « parler » mais pas à n’importe qui, accepter de se faire aider par un professionnel sans honte de soi, sans même un sentiment de dépréciation narcissique, en comprenant qu’avouer une égratignure douloureuse ou un trauma déstructurant ‑ ce que certains appréhendent comme une faille plus ou moins rédhibitoire ‑ n’est pas une faiblesse, mais fait au contraire la preuve d’une immense force morale inspirée par un effort de volonté, de lucidité, le refus de l’illusion, une exigence d’obéissance au principe de réalité.

Aller voir un psychologue clinicien, c’est chercher à être le plus heureux possible en souhaitant guérir de ses souffrances dites « normales » parce qu’elles ont des causes connues qui peuvent être multiples chacune étant suffisante seule mais qui sont, malheureusement, le plus souvent étroitement combinées. J’en évoque quelques unes dont nous avons tous l’expérience :

L’obligation du renoncement à un espoir de réussite scolaire, universitaire ou professionnelle ou d’une réalisation sportive, artistique… Peut-être plus douloureux encore ! Le deuil d’un être cher (lors d’un décès ou d’une rupture) ces deux affects infligent des cheminements psychiques extrêmement longs et difficiles.

Pour parvenir à les symboliser on a besoin de parler et de parler encore. Le psychologue permet à son patient d’épargner ses amis qui se lassent de cette répétition aussi immaîtrisable que nécessaire pendant un certain temps du moins. Le psychologue ne saurait se lasser. Il est là pour contenir le chagrin de son patient et lui permettre de découvrir qu’il avance petit à petit. Répéter auprès d’un professionnel capable de soutien et de souligner à travers les glissements de langage les progrès que son patient est capable de faire à son insu et d’élaborer à son su c’est lui donner les chances de sortir de la toile d’araignée dans laquelle il se croit empêtré pour toujours. Parce que, comme le dit encore Lacan, « la répétition demande du nouveau » [13] et parce qu’elle n’est jamais tout-à-fait identique à elle-même, le patient finit par y parvenir. En effet, ces glissements métonymiques sont quelque peu des renoncements, qui, avec le temps, perdent leur force blessante et de leur sens. Le lâcher-prise, aussi désiré que craint, est une tâche impossible, tant qu’il est confondu avec la capitulation mais si ‑ comme le barreau de la prison minutieusement et patiemment cisaillé finit par se rompre et chuter ‑, il est l’aboutissement d’un effort tenace de dépassement, tout à coup assumé, il éclaire d’un soleil inédit la psyché délivrée.

La dévalorisation de soi tant sur le plan privé que professionnel. L’impression de sa non légitimité : le fameux « symptôme d’imposture » ‑ formulé en ces termes en psychologie dans les années 80 (en 1978 exactement) ‑ est renforcé le plus souvent dans la vie privée par le sentiment d’être incompris, d’être mal aimé et / ou dans la vie professionnelle par le stress au travail – le ressenti de maltraitance infligé par ses supérieurs hiérarchiques ou ses collègues, d’exclusion (de « mise au placard »)…‑ qui peut aller jusqu’au « syndrome d’épuisement » (qu’on nomme le burn out).

Le doute sur ses possibilités est-ce un reste infantile ? Est-ce l’identification au doute parental qui semblait ne pas vous accorder d’être capable de progresser ? Ou, à l’inverse est-ce identification à l’espoir parental qui vous survalorisant paraissait exiger de vous d’être le meilleur mettant inconsciemment en balance échec et désamour ou au contraire réussite et mérite amour ?

La peur de l’échec sentimental, intellectuel, manuel ou plus généralement professionnel dans une société où seule la performance rapide est valorisée là où une certaine forme de confiance en soi et d’optimisme vous permettrait d’obtenir une reconnaissance de l’« autre social », vous narcissiserait et rassurerait l’objet de votre désir ou votre partenaire amoureux.

A l’heure d’Internet, La solitude, est renforcée par l’illusion de la multitude de faux amis avec qui on ne partage rien sauf le leurre au dépend du temps accordé à nos quelques vrais amis laissés de côté. Cette ambiance de solitude sociale accentue le sentiment de solitude intime suite à une rupture ou en raison du sentiment d’une inaptitude à faire de vraies rencontres non décevantes.

La difficulté à rencontrer la plénitude l’« âme sœur ». Qu’on soit homosexuel ou hétérosexuel le désir irrépressible du fusionnel dans l’amour est le même et l’immense difficulté de parvenir à « s’unier » [14] ­ donc imaginairement espérer vaincre l’existentielle division de son être en s’unissant à l’autre qui prend alors valeur d’Autre ‑ comme d’y renoncer et de chercher vouloir en guérir, est aussi la même.

Voilà bien longtemps que Platon a compris ce déchirement de l’amour humain et nous en a raconté la source dans son Banquet. Il nous y a offert un magistral et émouvant récit en inventant son « mythe du tout complet » où chacun aspire désespérément à retrouver la moitié perdue de son être coupé en deux par les dieux jaloux [15].

Ce désir de complétude nous taraude toujours, mais la difficulté à le satisfaire est aujourd’hui, s’il est possible, plus grande encore avec les réseaux sociaux puisque toute rencontre y est inaugurée par l’image (donc l’apparence, la virtualité) marquant du sceau d’une essentielle fausseté la naissance du dialogue.

Plus on croit montrer, plus, à son insu, on cache la vérité de la profondeur de son désir. Plus on croit parler à l’autre plus on monologue s’enfermant dans les projections de sa propre singularité prisonnière d’elle-même. Le « Moi-Je » est indépassable, malgré le désir du sujet, tant qu’il n’a pas conscience que son « Je » est d’entrée de jeu faussé, phagocyté par sa propre image, donc en situation pire que ne l’actualise symboliquement le surnom stendhalien : « Jemoi » [16] où le « Je », quoique malmené par son narcissisme, l’emporte néanmoins.

L’horreur du conflit. C’est un peu comme si le conflit rejouait un double traumatisme inconscient : d’une part la « phase du Non » de la toute petite enfance refoulée et d’autre part l’« opposition rageuse » aux parents lors de l’adolescence qui en est possiblement la reviviscence aussi nécessaire qu’insue. Le sujet a l’impression d’être le prisonnier d’une impossibilité de pardonner à ses parents tout ce qu’il leur reproche et en même temps qu’il éprouve l’immense culpabilité qui accompagne cet affligeant sentiment. C’est en quoi le conflit semble souvent pendant un temps certain indépassable.

De ce point de vue, quelle que soit la situation où se présente le désaccord, elle n’est, en quelque sorte, qu’une métonymie de l’écrin familiale ; elle nous remet en position du malêtre initial où elle a pris sa source une fois pour toute. Lequel malêtre est marqué d’une ambivalence, où les êtres consciemment aimés sont plus ou moins aussi inconsciemment haïs : parents et ensuite conjoint ou compagnon, enfants, beaux-enfants, petits-enfants…

Découvrir la possibilité de la positivité de certains chocs exige une longue démarche intérieure introduisant le sujet dans le monde adulte de la reconnaissance et du respect des forces en présence : celle de l’autre comme la sienne. Se mettre à l’épreuve et saisir que les oppositions sont nécessaires pour comprendre qu’on est moins fragile qu’on ne le croyait c’est, consécutivement, réaliser que l’autre mérite d’avoir en face de lui un être mature courageux qui résiste à l’attaque, qui peut « plier sans rompre » à l’exemple du roseau de la célèbre fable XXII du Livre Premier de La Fontaine.

La difficulté du changement se heurte à trois processus symptomatiques essentiels : La fixation, l’addiction et la répétition dont la personne doit prendre conscience pour ensuite, se responsabilisant, essayer seule, si elle en a la force psychologique, ou à l’aide d’un professionnel, de s’en libérer.

  • La fixation plus ou moins consciente à une expérience traumatique est vécue subjectivement et parfois transmise générationnellement.
  • Les addictions : tablette, ordinateur, téléphone portable, jeu vidéos, alcool, drogue, cigarette dont l’usage au départ peut être une défense (fuir sa souffrance), s’il n’y prend garde, aliènent le sujet et renforcent son isolement.
  • La répétition personnelle. Le plus souvent le sujet souhaite épingler la répétition personnelle qui l’affecte pour la stopper (se retrouver dans des situations défavorables, toujours choisir un partenaire qui ne vous convient pas…) et la répétition générationnelle : victimiser l’autre parce qu’on a été soi-même victime comme s’il s’agissait là d’un inéluctable destin sur le modèle des héros des tragédies grecques. Dans ces cas, le patient consulte un psychologue clinicien dans l’espoir de casser cette malédiction et parce qu’il refuse de transmettre à ses enfants, déjà là ou à ses futurs enfants, ce maléfice dont il a lui-même hérité et souffert pendant sa petite enfance et qui continue de bouleverser sa vie.

L’angoisse du vieillissement pour chacun. A partir de 30 ans chaque anniversaire de dizaine est une épreuve. D’abord légère, elle s’accroit de dizaine en dizaine et elle ne se conjugue pas de la même façon selon le sexe de la personne. Le désir d’enfant est soumis à un rappel de plus en plus pressant de l’horloge biologique d’une femme. Il peut devenir pour elle une obsession.

Il est aussi difficile de se sentir vieillir que de voir vieillir ses parents d’un côté et de voir vieillir ses enfants de l’autre. On vit souvent si vieux maintenant que les seuls dont nous ayons le bonheur sans nuages de ressentir qu’on les voit se développer et grandir ce sont nos « petits-enfants » et assez souvent même nos « arrières petits-enfants » :

  • Pour les sujets âgés au-delà de la peur de la mort le « dur désir de durer » éluardien, impliquant la dépendance, est le dernier nœud existentiel d’une angoisse quasi insurmontable puisque leurs forces psychiques diminuent.
  • Pour les aidants familiaux, l’impuissance, renforcée par la culpabilité est une pesante épreuve. Ils sont tiraillés de toutes parts entre les enfants, les compagnons et les parents âgés dont les demandes antinomiques sont toutes considérées, à juste titre, comme légitimes.
  • Voilà des questions nouvelles posées à nos générations du XXIe siècle :

Que choisir ! Aider financièrement ses parents à payer leur séjour en EHPAD ou leurs soins à domicile ou seconder ses enfants en réglant les frais des études des petits enfants ?

Que choisir ! Accorder du temps ‑ c’est-à-dire donner la plus grande preuve d’amour qui soit puisque c’est donner ce dont on ignore si l’on en dispose ou pas, donc puisque c’est donner, comme disait Lacan « ce qu’on n’a pas » [17] ‑ à ses parents démunis ou à son compagnon ou à ses enfants en gardant ses petits enfants ? A qui doit-on épargner le sentiment d’abandon ?

2 Le temps d’un travail psychologique à long temps terme, chercher les causes profondes de son malêtre existentiel, se découvrir et mieux se connaître pour trouver le sens de sa vie.

« Nous vivons dans l’oubli de nos métamorphoses
[…]
Sommes-nous près ou loin de notre conscience
Où sont nos bornes nos racines notre but »
(Paul Eluard) [18],

 

Parce qu’on n’est jamais tout à fait guéri du « mal d’être » au sens analytique du terme, ce travail psychologique à long terme est presque de l’ordre d’un art de vivre, d’une sagesse. Il peut ou constituer la poursuite du travail au-delà de la résolution de la crise ou être une fin en soi et constitue un travail d’une immense persévérance que la patiente de Joseph Breuer : Anna 0. appelait avec humour : « chimney sweeping » (le ramonage de cheminée) » [19].

Entamer cette démarche psychothérapeutique c’est prendre le risque d’un vrai travail sur soi qui consiste à vaincre ses résistances, à tenter de faire tomber le mur de ses défenses pour apprendre à se connaitre ‑ pour co-naitre [20] à soi-même, s’accoucher soi-même dans sa vérité via la profération d’une parole qui produit un surcroît d’être ‑, avoir le courage de s’accepter tel qu’en soi-même au regard de son Idéal du Moi. Ce n’est pas rien ! Il y faut le temps ce qui va à l’encontre d’une pression sociale où tout nous pousse à une exigence d’efficacité maximum et rapide. Or le bon sens observe que toute chose bien faite se poursuit et s’achève dans la temporalité qui lui est nécessaire. Dans ce travail, il n’est rien moins que de soulever de multiple questions existentielles source de souffrance aigues ou de malêtre diffus.

J’en cite quelques-unes :

  • La complexité et l’ambivalence de ses désirs.
  • Certains souvenirs subrepticement réaménager avec délices et idéalisés deviennent le paysage mélancolique de notre paradis perdu… Mais, à force de le ressasser, un souvenir douloureux peut devenir une obsession. On ne sait plus s’il est l’écran défensif qui cache la forêt d’un inconnu honteux refoulé ou une recréation fantasmatique qui fait douter et même déréalise la cause de sa souffrance. C’est souvent le cas des résurgences de violences sexuelles ; traumas dont, parfois, le plus troublant et le plus culpabilisant vient de ce que le sujet ne sait plus s’ils sont réels ou fantasmés. Et savoir, que du point de vue de la douleur psychique, selon Freud, le ravage est de même intensité, ne clôture pas l’insupportable questionnement, parfois même au contraire, le renforce.
  • La confusion de ses sentiments voire leurs antinomies qui rendent si difficiles le respect de ses engagements, la remise en cause de ses choix.
  • La puissance de ses inhibitions et de ses résistances.
  • Les bénéfices secondaires des conversions qui déplacent des douleurs morales insupportables en douleurs physiques supportables.
  • Le retour obsédant de ses pensées négatives.
  • La répétition est obligée, indispensable, nécessaire et même pour Lacan : « unique à être nécessaire » [21]. En effet, elle est la base de tous les apprentissages, elle rend peu à peu possible les processus apaisants de symbolisation. Mais lorsqu’inconsciemment, elle insiste irrépressiblement, elle devient « compulsion de répétition », jouissance morbide. Alors elle inflige un sentiment de dépossession de soi, d’aliénation. Elle s’avère par exemple une des sources des addictions dont il est si malaisé de se défaire.
  • La virulence de ses émotions si difficilement maîtrisables.
  • L’angoisse de ne pas, sans efforts pénibles psychiquement coûteux, parvenir à sublimer ses fantasmes faute de ne devoir, à juste titre, les réaliser et de ne pouvoir céder au passage à l’acte qui ne respecterait pas l’intégrité de l’autre ou sa liberté de s’y refuser.
  • La pesanteur des trois manques qui sournoisement relancent : privation, frustration, castration alors qu’on croyait avoir la sagesse d’être capable peu à peu de les dépasser définitivement et qu’on découvre qu’ils sont parfois le chantier interminables des remises en cause de toute la vie.
  • L’impuissance à dire « non » face aux pressions affectives et sociales donnent au sujet le sentiment de jouer un rôle, de porter un masque, de ne pas être en adéquation avec lui-même. Alerté par une insatisfaction chronique il s’éprouve d’autant plus divisé qu’il intuitionne une plénitude de son être sans avoir la certitude absolue de ce que serait vraiment ce « lui-même » qui, s’approuvant pleinement, l’apaiserait enfin.
  • La hantise de la dépression, de la perte du sens et du renoncement à la créativité qui masquent l’effroi devant le délitement du temps, l’horreur du vieillissement et derrière l’angoisse de sa mort…

Toutes ces questions complexes ­ et peut-être beaucoup d’autres encore qui, dans l’instant, m’échappent et que je n’aurais de cesse de découvrir avec mes prochains patients car chacun sait, qu’au-delà des savoirs universitaires et livresques, pourtant si importants, on n’apprend toute la vie son métier qu’en le pratiquant ‑ donnent à ce travail de tissage de soi inspiré par la passion épistémologique l’aspect « indéfinissable », « inachevable », d’une œuvre d’art peut-être, après tout, « sans fin » comme le signalait Freud, parce que tant qu’on est vivant, on n’a jamais le dernier Mot, à savoir le Mot résolutif, l’impossible Mot qui serait la révélation de la Vérité Vraie de la subjectivité

La psychothérapie analytique, comme le sport pour le corps, est un véritable travail qui apporte une hygiène de vie psychique en même temps qu’il actualise une philosophie de la vie. A la façon de Montaigne devant les feuillets de ses Essais, le patient, inspiré par l’amour de transfert, prend son psychologue pour le réceptacle de son effort de symbolisation, et en cela dépasse ses plaintes, ses larmes (toutes aussi légitimes et bienfaisantes qu’elles puissent être) l’épanchement pur et simple de ses émotions et de ses réflexions pour, en lâchant prise, s’adonner sans tricher, à la découverte de soi via l’association libre de ses paroles le plus souvent pleines de ses désirs inconscients. Il comprend alors qu’il n’y trouve rien d’autre que la mesure de ce qu’il apporte généreusement. Mais justement parce qu’il est généreux et tente de ne pas s’abuser, ce « rien d’autre » est une découverte titanesque et splendide, puisqu’il s’agit de lui-même : un « Lui » qui se veut du Bien, un « Lui qui s’aime ». On ne « guérit » pas de soi mais parvenir modestement à ce que Freud appelait une « guérison pratique » en évoquant une forme d’hédonisme : « la récupération de ses facultés d’agir et de jouir de l’existence » [22] est déjà beaucoup, pour ne pas dire énorme et exaltant.

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[1] Gustave Flaubert, « Novembre » (1842), dans Mémoires d’un fou, Novembre et autres textes de jeunesse, Paris, Flammarion, coll. « GF », n° 581, 1991, p. 489.
[2] Joseph Breuer, dans Sigmund Freud et Joseph Breuer, « Histoires de malades. A – Mademoiselle Anna O… », Etudes sur l’hystérie, trad. Anne Berman, Paris, puf, coll. « Bibliothèque de psychanalyse », 1956, p. 21-22.
[3] Voir Sigmund Freud, « Psychothérapie de l’hystérie », ibid, p. 247.
[4] Charles Baudelaire, « Recueillement », dans Les Fleurs du mal, Paris, Le livre de Poche, coll. « Classiques », n° 677, p. 199
[5] Jacques Lacan, Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, Livre XI (1964), Paris, Seuil, coll. « Le champ freudien », 1973, séminaire du 17 juin 1964, p. 233.
[6] Voir Pascal Quignard, Le nom sur le bout de la langue (1993), Paris, Gallimard, coll. « Folio », n°2698, 2001. Voir aussi Sigmund Freud : « Sur le mécanisme de l’oubli » (1898), trad. J. Altounian, A. Bourguignon, G. Goran, A. Rauzy, dans Résultats, idées, problèmes. I. 1890-1920, Paris, PUF, coll. « Bibliothèque de psychanalyse », 1984, p. 99-107.
[7] Voir Jacques Lacan, L’éthique de la psychanalyse, Livre VII (1959-1960), Paris, Seuil, coll. « Le champ freudien », 1986, séminaire du 6 juillet 1960, p. 373 et 374 (souligné par moi).
[8] Joseph Breuer, « Histoires de malades. A – Mademoiselle Anna O… », op. cit, p. 25-26.
[9] Jacques Lacan, Encore, Livre XX (1972-1973), Paris, Seuil, coll. « Le Champ freudien », 1973, séminaire du 19 décembre 1972, p. 25 (souligné par moi).
[10] Madame de Lafayette, La Princesse de Clèves (1678), Paris, Gallimard, coll. « Folio classique », n° 3381, 2000, p. 173. Plus généralement voir ce qu’on pourrait appeler la « scène de l’aveu », p. 166-178 et pour l’intuition que l’excès de vertu est qualifiable de « folie », voir p. 125.
[11]Arthur Rimbaud, « Lettre de Rimbaud à Georges Izambard » (Charleville, [13] mai 1871), dans « Correspondance » dans Œuvres complètes, édition établie, présentée et annotée par Antoine Adam, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de La Pléiade », 1972, p. 249. Et « Lettre de Rimbaud à Paul Demeny » (Charleville, 15 mai 1871), ibid., p. 250 (souligné par moi).
[12] Stefan Zweig, Sigmund Freud. La guérison par l’esprit (1932), Paris, Le livre de poche, n° 31877, 2010, p. 101.
[13] Jacques Lacan, Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, op. cit., séminaire du 12 février 1964, p. 59.
[14] Voir Jacques Lacan,… Ou pire, Livre XIX (1971-1972), Paris, Seuil, coll. « Champ freudien », 2011, séminaire du 14 juin 1972, p. 213.
[15] Voir Platon, Le Banquet [ou « De l’amour ; genre moral »], dans Le Banquet – Phèdre, traduction, notices et notes par Émile Chambry, Paris, Flammarion, coll. « « GF », n° 4, 1964, XIV- XVI (188d-194c), p. 48-53.
[16] Régis Debray, Du génie français, Paris, Gallimard, 2019, p. 49.
[17] Concernant ce bateau de Lacan : « L’amour c’est donner ce qu’on n’a pas » paru approximativement dès le séminaire sur La relation d’objet, Livre IV (1956-1957), Paris, Seuil, coll. « Champ freudien », 1994, le 30 janvier 1957, p. 151 voir ensuite, Les formations de l’inconscient, Livre V (1957-1958), Paris, Seuil, coll. « Champ freudien », 1998, séminaire des 29 janvier 1958, p. 210 ; 5 mars 1958, p. 253 ; 23 avril 1958, p. 351 ; 30 avril 1958, p. 370 ; 7 mai 1958, p. 384.
[18] Voir Paul Eluard, « Notre mouvement », dans Le dur désir de durer (1946), <>Œuvres complètes, tome II, Paris, Gallimard, coll. « La Pléiade », p. 83.
[19] Joseph Breuer> op. cit., p. 22.
[20] Paul Claudel, « Traité de la co-naissance au monde et de soi-même » (1904), dans Art poétique (1907), préface et annotation de Gilbert Gadoffre, Paris, Gallimard, coll. « Poésie », 1984, p. 63-134.
[21] Jacques Lacan, « D’un dessein » (1966), dans Écrits, Paris, Seuil, coll. « Le champ freudien », 1966, p. 367.
[22] Sigmund Freud, La technique Psychanalytique, trad. A. Berman, « Les voies nouvelles de la thérapeutique psychanalytique », Paris, PUF, coll. « Bibliothèque de psychanalyse », 1953, p. 6.

Du côté de la théorie lacanienne

Présentation d'une approche réflexive et critique de la théorie lacanienne

Du côté de la clinique gérontologique

De quelques réflexions sur le bien-fondé du transfert de concepts analytiques en psychogérontologie

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